Ishin denshin ou le silence qui parle
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L’expérience sans mot
À l’atelier de Sasaki Shoraku, nous parlons peu. Notre communication passe par les mains, quelques regards et de la pratique. Le rire simple aussi, parfois. Les japonais appellent cela ishin denshin (以心伝心) : « ce que l’esprit pense, le coeur transmet ». C’est de la communication non-verbale, de la compréhension tacite — c’est-à-dire l’hypothèse d’une compréhension mutuelle.
Mais est-il d’ailleurs vraiment besoin de parler ? Passé le moment des explications, chacun est seul devant son établi, en tailleur (pour ceux qui tiennent assez longtemps dans cette position), regardant la montagne qui fait face à l’atelier.
Et le travail commence, les pièces s’enchaîne. Mes pièces sont des pièces uniques…parce que je suis bien incapable pour l’instant de « reproduire » un travail. Cela demande des années à vrai dire. Il n’y a pas de méthode vraiment « industriel » mais l’expérience donne un précision peut-être plus incroyable que celle d’une machine, car elle reproduit non seulement l’objet mais aussi l’esprit dans lequel il doit être fait. Sasaki m’a dit une fois que son état d’esprit change avec le chawan qu’il fait.
Le silence et ses mains

Les trois terres se ressemblent avant cuisson, mais c’est juste pour les yeux. En vérité leur texture sont très différentes. Sasaki se tait : il a sa propre tâche à accomplir et m’indiquer ce que je dois faire lui prend déjà beaucoup de temps.
Je me tais aussi. Je pourrais dire tout ce que je souhaite, seul le résultat compte ici. Je ne suis pas venu dans cet atelier pour me faire comprendre verbalement…et après des études de philosophie, cela fait encore un peu bizarre.
Enfin, peut-être qu’en réalité, nous nous comprenons d’une façon que je n’ai jamais eu l’occasion d’expérimenter auparavant. Je suppose que c’est cela, ishin denshin 以心伝心. Est-ce que mon « coeur » transmet ce que je pense ? Mais alors je me demande : qu’est-ce que mes mains transmettent ?
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