La responsabilité du céramiste

Newsletter #2

En céramique, contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de repentir : ce qui est fait ne peut être changé. Cela donne un étrange sens des responsabilités.

La conséquence du geste.



Cette responsabilité commence dès la confection de l’argile, lorsqu’il s’agit de mêler définitivement différentes terres. Puis vient le moment de concevoir les grandes lignes de la pièce qui seront ensuite creusées. Ce gros bout de terre peut sembler anodin mais il décide déjà de toute la structure de la pièce.Dès le premier coup de main, dès le premier contact de la paume, une forme se crée et elle ne pourra pas être défaite. Chaque geste influence toute la pièce. Il n’y pas d’opération chirurgicale pouvant corriger sans dérégler. 
Peut-être est-ce pour cela que les gestes des grands céramistes ont l’air si simple : il faut faire vite,  tout former dans un même mouvement et sans avoir à rattraper au vol quelques détails. Cette simplicité est en réalité le fruit d’un long cheminement. 
Par comparaison, je change de projet une bonne dizaine de fois avant de m’arrêter sur un pâté plus ou moins décevant, un peu dégoûté de moi-même. Mon résultat n’est en général absolument pas souhaitée mais, au moins, il n’est pas aussi horrible que ce que j’ai pu faire entre temps. Quoi que parfois… Enfin, quand on rafistole un cadavre, un Frankenstein est mieux que rien. On m’a confié la responsabilité d’un bout de terre, j’en fait de la mélasse et, après quelques efforts, me voilà heureux propriétaire d’une motte de boue sèche. Il faut maintenant la cuire.

Brûler pour mille ans.


Cela pourra paraître inattendu venant d’un passionné et d’un praticien de la céramique, mais je ne suis vraiment pas doué pour cela. Mes premières pièces, faites en France, tiennent franchement de l’improvisation en pâté de sable et mes tentatives « créatives » au Japon se soldent souvent par des résultats plus dérangeants que beaux.

(c) N. Cohen
Le "volcan"

Et la céramique a ceci d’émouvant et de cruel qu’elle prend de la terre, la matière première par excellence, et la fige pour des centaines d’années. En ce sens précisément, il n’y a vraiment rien de plus responsabilisant que de travailler l’argile. Ce que l’on cuit ne sera jamais recyclé de notre vivant. Chaque pièce de céramique, même brisée, est laissée en héritage aux générations qui viennent.




Un chawan que j'ai fait dans un four Bizen près de Tamba

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