Pascali Ceramicum Schizophrania

Newsletter #4

Pascal en deux pensées

Pascal écrivait qu’il existe deux sortes d’esprit : l’esprit de finesse et l’esprit de géométrie. Aucun esprit humain n’est que géomètre ou que fin sans être faux, mais tout esprit a ses penchants.

L’esprit de géométrie sait formuler de grands principes généraux et difficiles à appliquer. « Tu ne mentira point » énonce l’esprit géomètre, et il l'applique et les commente avec une rigueur mathématique. 
Quant à l’esprit de finesse, il voit dans la société une infinité de petits principes sans les formuler et il les met en pratique naturellement. Par exemple, il sent qu’il faut parfois mentir et parfois vanter.

Les esprits géomètres ne raisonnent pas faux mais ils raisonnent à partir de principes inadaptés à la société. Les esprits fins voient bien les principes adaptés mais ils ne sauraient formuler de grands principes qui échappent à leur société. Bref, l’un pense mais ne voit pas, l’autre voit mais ne pense pas. Voir ou réfléchir, il faut choisir !

Néanmoins, certaines situations demandent un esprit plutôt qu’un autre...

L'argile au carré


En céramique, la géomètrie a la vie dure. Mon petit esprit géomètre essai de définir de grandes règles. Il croit qu'on peut savoir à l'avance ce qu'il faut faire.
 Au moment de sculpter, je me mets en « mode automatique » et je regarde à peine mon travail : c’est comme pour battre un blanc en neige, il suffit de suivre les instructions et d’y croire. J’y crois un temps. Ma main suit mon esprit et mon esprit divague. Alors ma main divague aussi, elle sculpte au rythme de mes pensées anxieuses ou douces, heureuses ou interrogatives…puis quelque peu inquiètes car les parois de l’oeuvre commencent à manquer d’épaisseur…mes pensées s’affolent quand je suis à la limite de briser le fond du bol…je creuse avec nervosité, je cherche une règle de secours et…

Une petite illumination Zen me saisit lorsque ma main gauche, à l’extérieur du bol, entre en contact avec mon outil de sculpture, à l’intérieur du bol. C’est fichu. J’ai encore troué un bol. La géométrie n’avait pas vu venir cela. À croire qu’un bol, ce n’est pas un triangle. Mondo cane comme disent les italiens…



Sasaki lui, est bien incapable de m’expliquer comment il fait ses pièces. Il me montre, c’est tout. Et en quelques minutes, trois gestes simples et deux palpations, il a monté ou sculpté un objet parfaitement régulier. Me dire pourquoi ces gestes sont les bons lui est absolument impossible, il suit la sensation de ses mains bien plus que les directives de son esprit. À croire que ses neurones ne sont pas à la bonne place…cela perturbe un peu mon esprit géomètre…je retourne à mes bols en triangle…

O raku ni dôzô
Let's be simple !

Versons une larme pour mon tout premier bol, seul survivant parmi une trentaine

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