Savoir et savoir-faire en céramique

Newsletter #3
(c) N. Cohen
Et si nous apprenions à grimper le Mt.Fuji à l'envers ?

La sagesse sans savoir

« Toute la sagesse du monde ne nous rendra pas sage ». Lors de mon dernier voyage au Japon, je m’étais demandé pourquoi je n’avais pas voulu entrer en thèse de philosophie. Cette question me trottais dans l’esprit depuis plus d’un an. La maxime que j’ai fini par composer est ma réponse : je cherchais dans la philosophie un moyen de devenir sage et j’ai été déçu. Ce n’est pas en accumulant les connaissances sur ce qu’est la vie bonne ou notre société que l’on devient sage. Spinoza disait que nous pouvions contraindre notre volonté par le savoir, mais je crois que cela ne fonctionne pas pour moi et pour beaucoup d’autres. 

Pour être sage, il faut le vouloir… mais nulle connaissance ne peut nous apporter cette volonté. Je l’ai compris à nouveau lorsque j’ai recommencé la céramique chez Sasaki Kyoshitsu. J’ai déjà accumulé un grand nombre de connaissance sur les techniques à employer pour faire un beau chawan. Mais elles ne me sont d’aucune utilité tant que je n’ai pas la concentration nécessaire, la volonté de faire les choses biens à chaque instant. Rien de moins simple pour une tête en l’air comme moi.

(c) N. Cohen


Conscience de soi ≠ content de soi.

Il y a quelques jours, alors que je préparais une série de chawans, j’ai posé ma paume différemment sur l’extérieur du bol et j’ai adopté des gestes plus mécaniques que d’habitude. À ma grande surprise, le résultat fut bien plus régulier et doux que tout ce que j’avais fait auparavant. 

Ce n’est qu’après plusieurs essais que j’ai été capable de comprendre pourquoi cela avait fonctionné. « La chouette de minerve ne s’envole qu’au crépuscule » disait Hegel dans un mot fameux pour le milieu parisien intellectuel spécialiste de philosophie Allemande (Hegel-sur-Seine, 40 habitants dont 30 déjà en état végétatif). Il voulait dire par là : le savoir (ici un bouffeur de sourie nictalope) n’arrive que lorsqu’une chose est proche de sa fin.

Mes mains ont maîtrisé ce nouveau geste bien avant mon cerveau. Et quand mon cerveau les a rejoint, c’était la « fin » : ma conscience de ce que je faisait a détruit ce que je faisait spontanément. Même pas deux jours après avoir progressé de trois pas en avant, je faisais deux pas en arrière. 
La sagesse (entendu ici comme savoir définissable et transmissible) ne m’a pas rendu sage, elle m’a rendu conscient de moi-même. La conscience de soi ne donne pas la capacité d’action, elle peut même être un obstacle à l’action bonne. « Tout le savoir du monde ne nous rendra pas sage. »

O raku ni dôzô, soyons simple !

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