En préparation




Focus

La nuque se redresse, les paupières se rapprochent, les yeux se referment sur un point invisible. C’est le bol à venir. Le dos se redresse, la colonne s’aligne, les bras se détendent et le pas se fait droit. Le chemin vers le pavillon se dessine. 
Lorsqu’un grand évènement approche, ces sensations peuvent arriver plusieurs semaines en avance. Tout mon corps se tend. Il n’y a ni lieu pour la confiance, ni lieu pour le doute. La confiance est ennemi de la perfection, le doute est ennemi de l’action. 
Tout ce qu’il reste à faire, c’est bander l’arc, le regard rivé sur la cible. Trop de tension et la flèche partira avant que ne commence le jeu. Pas assez et la main tremblera autant qu’une aiguille.

Une cérémonie est affaire de saison. Quel plaisir trouver aux fraises si elles sont là même en été ? Accepter que les saisons passent, que des plaisirs différents nous viennent au cours de l’année, c’est un premier pas pour accepter notre condition mortel. À mon jeune âge, il y a déjà des plaisirs que je ne connaîtrais plus, mais d’autres arrivent. Dans le cours de la vie aussi, il y a des saisons.
La pure joie de l’enfance est, dit-on, innocente. Elle ne connaît pas encore la douleur de vivre peut-être. Nombreux sont les vendeurs de rêves qui veulent nous faire croire qu’elle peut être retrouvée. Je préfère la mélancolie souriante d’un instant de bonheur dérobé à l’horloge moderne.


Situations

Et puis, au delà de la saison, une cérémonie est affaire d’occasion. Pourquoi fait-on le thé ? Pour qui le sert-on ? Il n’y a pas de réponse unique de la part de l’hôte. Cela veut aussi dire il n’y a pas d’état d’esprit unique pour l’hôte. 
À certaines cérémonies, je vais le coeur léger. Il me faut quelques heures pour tout préparer, parfois quelques minutes suffisent. Ce sont de bons moments entre ami, la promesse d’un peu de patine calme dans le chatoiement du monde.

Et puis il y a ces évènements, bien plus rares, qui se préparent parfois pendant des mois. Certains diront que la préparation est matérielle. Pour moi, elle est surtout mentale. Les idées, lentement, se compilent. Aucune n’est mauvaise, rien n’est à laisser. La cohérence des thèmes et des couleurs se fait d’elle même et échappe toujours à mon entendement. Sans savoir où je vais, je regarde le chemin à mes pieds et il n’y en a qu’un seul. 

De pareils cérémonies, j’en ai surtout faite pour mon maître de thé. Bientôt, il me faudra faire de même pour la personne qui m’emploie et me soutien dans mes projets. Pour cette personne, il s’agira sans doute d’un évènement fugace, quelques trente minutes dans une cabane abandonnée. Pour moi, la cérémonie a déjà commencé.




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