La terre parle
Harmonium de feuilles
En arrivant dans un pays, je remarque toujours la végétation. Il y a la luxuriante végétation thaïlandaise qui inonde les moindres craquelures de Bangkok, végétation au teint sombre et humide, reposée dans sa confortable et increvable puissance. Et puis il y a la végétation écossaise, brisée comme de la foudre, aux reflets gris de roc, aux bois obscures et aux feuillages crochus.
Je connaissais le Japon central, la douceur de ses montagnes aux formes soyeuses et aux feuillages duveteux. En arrivant en Corée, les variations de couleurs se firent immédiatement plus chaotiques. Ce n’était plus la délicate patte d’encre diluée dans l’eau des typhons mais une immense fresque dessinée au pinceau sec, des couleurs pastels tracées par traits vifs. Deux pays si proches étaient si différents.
Accompagné de ces quelques premières remarques, je notais que les bois de construction en Corée sont bien plus clairs que les bois Japonais mais qu’ils ont bien moins de parfum. Je ne peux pas alors croire que deux poètes puissent écrire les mêmes lignes.
L'argile de nos terres
Et puis il y a la terre que l’on creuse, celle de la céramique. Et que nous dit la terre ? Tant de choses qui en disent long sur les arts et les coutumes. En Chine, la porcelaine à le même raffinement et la même complexité que les dentelles de bois des palais chinois avec, en plus, l’opacité et la noblesse du marbre. En Corée, elle a cette texture laiteuse qui rappelle le teint des filles de Séoul — savent-elles l’inspiration de leur maquillage ? Au Japon elle a le tranchant et la finesse d’une lame de maître. Or de ce monde de roche blanche Il y a encore la douceur bourbeuse des théières Yixing comparée à la duveteuse l’obscurité de certaines jarres Coréennes et le grain râpeux des vases Shigaraki ou Bizen.
Enfin, je me souviens de ce vase ramené du Japon et qui ne parvenait pas à se marier à la lumière de Paris. La terre parle de son pays, elle parle une langue qui en dit parfois long sur le peuple qui l’a façonnée ou qui vit de ses fruits. Changer de continent contraint à changer notre façon de servir le thé. La terre forme la substance des arts, des coutumes et des corps qui font la beauté des peuples. Ignorer ces particularités, c’est fuir l’instant présent.
La terre parle, elle exige un geste différent, un soin particulier, un état d’esprit unique. Il y a autant de façons de vivre, de langages et d’émotions différentes qu’il y a de terres et de climats. Sentant frémir dans le monde cette variété des formes de l’homme, l’invitation au voyage se fait plus pressante.
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